DESORIENTALE de Négar DJAVADI

Publié le par Brigitte Sabban-Weyers

DESORIENTALE de Négar DJAVADI

J’ai terminé le magnifique roman de Négar Djavadi dont le titre emblématique est  DESORIENTALE.

Je vous invite à lire cette histoire touchante et enrichissante.

 

« (…) L’enfant volubile et liante que j’étais est devenue une adulte parisienne avec un visage fermé chaque fois qu’elle sort de chez elle. Je suis devenue, comme sans doute tous ceux qui ont quitté leurs pays, une autre. Un être qui s’est traduit dans d’autres codes culturels. D’abord pour survivre, puis pour dépasser la survie et se forger un avenir. Et comme il est généralement admis que quelque chose se perd dans la traduction, il n’est pas surprenant que nous ayons désappris, du moins partiellement, ce que nous étions, pour faire de la place à ce que nous sommes devenus. »

 

« (…)Cette cicatrice qui traverse mon vocabulaire est ma seule coquetterie, mon unique résistance face à, disons, mes efforts d’intégration. J‘emploie cette expression par commodité, parce qu’elle vous parle, même si, biberonnée dès l’enfance à la culture française, je ne me sens pas concernée par le sens qu’elle véhicule. D’ailleurs, puisque nous en parlons, je trouve qu’elle manque de sincérité et de franchise. Car pour s’intégrer à une culture, il faut, je vous le certifie, se désintégrer d’abord, du moins partiellement, de la sienne. Se désunir, se désagréger, se dissocier. Tous ceux qui appellent les immigrés à faire des « efforts d’intégration » n’osent pas les regarder en face pour leur demander de commencer par faire ces nécessaires « efforts de désintégration ». Ils exigent d’eux d’arriver en haut de la montagne sans passer par l’ascension. »

 

« (…)Cette naissance fut ma première. La seconde eut lieu dix ans après, quand nous arrivâmes à Paris. Kimiâ ou Kim ou Kimy ou « Comment ? Tu peux répéter ? ».

A vrai dire, rien ne ressemble plus à l’exil que la naissance. S’arracher par instinct de survie ou par nécessité, avec violence et espoir, à sa demeure première, à sa coque protectrice, pour être propulsé dans un monde inconnu où il faut s’accommoder sans cesse des regards curieux. Aucun exil n’es coupé du chemin qui y mène, du canal utérin, sombre trait d’union entre le passé et l’avenir, qui une fois franchi se referme et condamne à l’errance. »

 

« (…) Elle était comme çà Sara. Toujours en alerte. Son corps longiline drapé dans la passion comme dans dans un vêtement taillé sur mesure. Quand il s’agissait de mon père même la passion devenait trop étriquée et encombrante. Elle quittait la Terre, ses lois inutiles et ses dieux minables, pour devenir cyclone, foudre, avalanche. Parfois elle me faisait peur. Parfois la peur se mêlait d’admiration, la même que j’éprouvais pour Angela Davis et Leïla Khaled, mes héroïnes révolutionnaires que j’imaginais mi-humaines, mi-Super Jaimie. »

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