CE QUI SE CACHE DERRIERE UN TITRE par Tatiana GOUSSEFF

Publié le par Brigitte Sabban-Weyers

CE QUI SE CACHE DERRIERE UN TITRE par Tatiana GOUSSEFFCE QUI SE CACHE DERRIERE UN TITRE par Tatiana GOUSSEFF
Avant même que naisse le spectacle Bien arrivée à Ottawa, et même si pas immédiatement formulé, il y a un double projet.
Celui de redonner sa place à une femme qui s’est jadis définie, entre autres, comme une Actrice, et qui au moment T de notre rencontre, ne sait plus se définir autrement que par les mots Peur, Anxiété, Phobie, Impuissance.
Celui de redonner la parole à une actrice qui n’est plus montée sur scène depuis des années et s’est tue presqu’en même temps que s’est cristallisée sa terreur de conduire une voiture.
Et pourtant, chez cette femme en qui l’actrice était en sommeil, le talent, la légitimité, le travail, la passion, n’auront jamais été mis en question.
C’est le titre qu’ont longtemps porté les premières versions de ce spectacle :« Le permis de conduire ». Mais dans ce titre prévalait l’autorisation dont on imagine volontiers, en ce qui concerne une voiture, qu’elle est donnée par un.e autre, quand le spectacle traitait avant tout d’une autorisation donnée à soi-même.
Là où le permis de conduire annonçait un début tamponné par autrui, j’ai finalement préféré suggérer la fin heureuse au-delà d’un océan d’un long voyage accompli à l’intérieur de soi.
Finalement, à la presque veille de présenter à Paris le spectacle Bien arrivée à Ottawa, c’est bien de multiples voyages dont il s’agit, imbriqués les uns dans les autres comme des poupées russo-bretonnes.
En amont, le voyage parcouru par Marité Blot de sa Bretagne natale à Paris.
Puis le voyage parcouru en elle-même depuis des actes manqués destinés à l’empêcher de s’épanouir, jusqu’à notre rencontre pour embrasser son histoire.
Puis le voyage que nous avons vécu à deux pour créer ce spectacle, chacune à son endroit, Marité Blot sur un plateau et moi assise à une table devant mes cahiers et mon ordinateur, s’emparant de places qui n’étaient pas gagnées au départ.
À Marité Blot le chantier de la mémoire, des insomnies, de l’anxiété, de la confiance, de la prise de distance, des résistances, du déni, de la liberté à conquérir.
À moi celui d’accepter l’idée de me lancer sans expertise dans la mise en espace et la direction d’acteur, la pédagogie et le coaching, l’administratif et la technique, la communication et le monde du web, et le grand pas d’accepter de demander de l’aide à ceux qui en savaient plus que moi et nous ont aidées avec générosité, gratuitement, donnant de leur temps, de leur talent, et de leur foi dans notre projet.
J’ai su dès nos premières séances de travail qu’il aurait fallu tout écrire de cette épopée de création, tant se mêlait l’intime au travail, le psychologique au professionnel, l’humour au désespoir, l’envie à la peur, le talent au burlesque, le courage à l’ignorance.
J’ai su aussi que le temps me manquerait, ce temps que j’essorais de l’aube à tard dans la nuit entre les murs du domaine de la Vergne, en Charente, dans tous les recoins de la maison Maria Casarès.
Ainsi, ce projet n’existe pas sans ses « entours ». Tout ce que nous avons expérimenté ensemble, toutes les rencontres qui nous ont nourries et portées, toutes les bêtises que nous avons filmées pour exorciser la fatigue, alléger le sujet, décompresser, et peut-être collecter de quoi communiquer avec humour si un jour nous arrivions enfin à Paris, tous les repas que nous avons partagés, toutes les questions que nous avons soulevées, nos heurts aussi, nos frustrations, et parfois, pour l’une la peur, encore, et pour l’autre le découragement, ennemi intime de la fatigue.
Notre spectacle est modeste. Plus une aventure humaine qu’une révolution artistique, plus une collaboration surprenante et imprévue qu’une suite logique de nos parcours respectifs, plus un petit conte du quotidien que nous espérons universel qu’une fresque épique qui laissera les gens bouche bée.
Nous avons fait de notre mieux, nous avons travaillé, écrit, dessiné, collé, filmé, cherché, photographié, corrigé, nous n’aurions pas pu faire plus, ni mieux, nous sommes à l’endroit où nous pouvons être, prête à être aimées ou non, fière du voyage mais humble dans ce que nous savons ne pas avoir encore appris.
Ce que nous espérons, c’est de pouvoir, à ceux et celles qui s’empêchent, qui ont vu leurs peurs, leur honte, leur sentiment d’illégitimité ou de culpabilité les terrasser, offrir un miroir à la fois sérieux et plein d’autodérision dans lequel ils puissent lire l’océan de possibilités qui les attend.
Ceci n’est pas pour nous excuser par avance d’un spectacle qui pourrait vous décevoir, mais pour partager avec vous notre joie, quoi qu’il arrive, d’avoir fait le chemin jusqu’ici, et l’espoir de le poursuivre longtemps.
Nous espérons que vous viendrez nombreux et/ou partagerez à qui peut se reconnaitre dans ce thème des empêchements et des conflits de loyauté !
 
Tatiana Gousseff
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