CHRONIQUE ORDINAIRE D'UN SCENARISTE PARISIEN, épisode 4

Publié le par Brigitte Sabban-Weyers

CHRONIQUE ORDINAIRE D'UN SCENARISTE PARISIEN, épisode 4

Aujourd’hui, notre scénariste parisien m’a autorisé à partager un fragment de correspondance qu’il entretient avec son partenaire d’écriture. Toujours aussi pertinent, lucide et drôle.

Enjoy…

(…)Quant à ce qu'on a fait par le passé, on peut observer que les gens en font souvent table rase. Mais cela arrive même avec ceux qui ont connu la gloire. Si tel cinéaste réalise un bide, on oubliera ce qu'il a fait auparavant et on ne retiendra que le bide. Je prie pour que personne ne voie en automne le téléfilm de B. Je risque carrément d'être inculpé pour atteinte à la décence dramaturgique. Des gens ont été tués pour beaucoup moins que ça dans le passé.

À ce propos, une dernière petite anecdote, pour la route. Elle concerne une fois de plus ma belle-famille. Samedi dernier, nous sommes donc allés voir le film de Woody Allen avec M, sa soeur Y (la belle-mère de W M donc) et le mari de cette dernière, JC, universitaire à la retraite. JC a trouvé un hobby dernièrement, qui le passionne: il réalise des home-movies: bar-mitzvahs, mariages, dîners de Noël, etc.… Il l'a toujours fait, même quand il était en activité, mais là il s'est professionnalisé, en achetant du matériel dernier cri et en apprenant à utiliser une table de montage. Je suis d'ailleurs souvent obligé d'assister à des projections de ses "films", en ajoutant mes "ho" admiratifs à ceux de la famille. Il est vrai que JC étant sérieux dans tout ce qu'il fait, ses home-movies sont plutôt pas mal foutus. Ce qui fait que JC se considère désormais l'égal des cinéastes. Et se permet donc de juger savamment leurs oeuvres. Je passe sur les grands films, mais voici ce qu'il me réserve à propos de mon dernier court-métrage.

Je précise qu'il l'a vu en vidéo projection dans sa maison de campagne il y a plusieurs mois. J'ignore comment un DVD du film était tombé entre ses mains, c'était sans doute une fuite due à ma femme, à qui j'avais pourtant ordonné de ne plus communiquer sur mon travail. Son épouse, Y, avait d'ailleurs trouvé des mots gentils pour m'en dire du bien. Bref, je sais qu'il l'avait vu.

Salle du MK2: On est assis, la séance n'a pas encore débuté. JC est assis près de moi.

JC: "Alors Henri, le boulot ça va?"

H.K: "Oui oui ça va…" (voix off pensée intérieure H.K.: "ferme ta gueule surtout ne dis rien!")

JC: "Mais encore…?"

H.K : (pensée intérieure: "tu ne peux pas ne pas dire quelque chose, c'est trop voyant; donne-lui en pâture une petite chose, quelque chose qui marche)

H.K : "En fait, mon court-métrage fait une belle carrière en Festival. Plus de 50 sélections."

Silence de JC. Puis…

JC: "Celui avec la montre? Il passe encore en festival?" *

(* Je précise que JC n'avait pas beaucoup aimé mon premier court, mais bon il n'est pas le seul. Il m'avait à l'époque fait une seule remarque: "Je trouve que la montre est un peu moche")

H.K : "Mais non, pas celui avec la montre. Il a déjà plus de dix ans. L'autre, le second, que j'ai fait il y a deux ans."

JC: "Ah, parce que t'en as fait un autre…?"

H.K : "Ben oui… Celui avec l'homme qui court, tu vois…?"

JC s'interroge, il creuse dans sa mémoire.

H.K : (incrédule): "vous l'avez vu à la campagne, avec Y qui avait beaucoup ri…"

JC (après un long silence): "Ah oui… je vois…"

H.K : rigole avec le plus de naturel possible: "En tout cas, on peut pas dire qu'il t'a laissé un souvenir impérissable…Ahahah…"

H.K : trouve que sa réplique est bonne, très classe, et dite avec beaucoup de naturel. Il continue de rigoler à sa propre réplique, afin d'orienter la réaction de son interlocuteur.

Mais JC ne rit pas. Il continue à chercher dans sa mémoire. Les lumière s'éteignent, le générique commence, sur fond noir: Un film by Woody Allen

FIN de l'histoire.

Allez, à plus,

H.K

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B
Merci @bernieshoot, très touchée. J'espère que nos prochains articles feront partis de votre sélection. Belle journée
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B
une correspondance très intéressante, je vous souhaite la bienvenue dans ma communauté Lounge VIP Blogs
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B
Bonjour<br /> je n'ai pas bien compris comment fonctionne la communauté Lounge VIP Blogs. Vous pourriez m'expliquer? Je ne vois pas mes publications apparâitre. Mon courriel est contact@delaprod.net. Bonne journée