L'INSOUCIANCE de Karine TUIL

J'avais beaucoup aimé son précédent roman, L'INVENTION DE NOS VIES, j'ai donc naturellement eu envie de lire le suivant. Formidable roman, rythme soutenu, histoires denses, personnages riches et complexes, parcours amoureux, parcours intérieurs, parcours de vie...

extrait:

(...)Sonia partie, Osman prit le métro; ces dernières années, il s'était essentiellement déplacé en taxi ou en voiture de fonction. Il avait l'impression d'entrer dans un univers caché, parallèle - un monde en sous-sol, celui des Invisibles. Le contraste entre cette élite blanche, qu'il avait fréquentée pendant toutes ces années et ces gens métissés, basanés, noyés dans cette masse souterraine, crevait les yeux: qu'est-ce qui se jouait dans cette géographie sociale? en sortant du métro, station Porte-de-Choisy, il emprunta le boulevard Masséna jusqu'à l'immeuble qu'occupait ses parents dans le XIIIe arrondissement de Paris. En face, il aperçut des dizaines d'hommes originaires d'Afrique subsaharienne et du Maghreb pour la plupart, vêtus de boubous colorés ou de kamis qui discutaient devant l'entrée du foyer de jeunes travailleurs. Il les observait de loin, discuter et rire entre eux. A quelques mètres s'érigeait l'immeuble où vivait ses parents, une grande tour d'une vingtaine d'étages - c'était lui qui leur avait trouvé ce logement et qui réglait le loyer chaque mois ainsi que les factures d'électricité et de téléphone, fixe et portable. Il se demandait comment il pourrait continuer à payer deux loyers à présent, il n'imaginait pas un seul instant annoncer à ses parents qu'ils devaient déménager dans un autre appartement et il n'avait pas eu le courage d'aborder la question avec Sonia. Il se souvenait de ce que ses parents avaient dit en découvrant l'appartement pour la première fois: "C'est beau, c'est grand", puis deux jours après: "il y a quand même trop de chinois." (...)