UNE DEUX TROIS de Dror MISHANI

Publié le par Brigitte Sabban-Weyers

UNE DEUX TROIS de Dror MISHANI

4ème roman de Dror Mishani, et 4ème roman que j’ai à chaque fois plaisir à lire.

Je pense qu’il y a plusieurs raisons qui expliquent cet engouement.

 

Il raconte, souvent du point de vue d’un personnage, toutes les actions qui se déroulent, et il remplit ses actions de précisions de son quotidien. On a toujours le sentiment de connaître le déroulement d’un moment en entier, mais c’est souvent faux. Il y a toujours une petite note qui vient casser ce sentiment de quasi bien-être car on est totalement avec le personnage, on pense que rien ne nous a échappé, et comme le personnage peut sembler être monsieur ou madame tout le monde, on entre vite dans la peau dudit personnage. Et il suffit d’une micro information pour qu’on comprenne qu’on a finalement pas toutes les clés.

Cette narration donne souvent le sentiment que c’est assez lent, que le déroulement peut paraître simple, mais c’est exactement l’inverse qui se produit.

Dror Mishani nous donne toujours à voir des personnages qui sont à notre hauteur, près d’eux, pas extérieurs à eux. On épouse quasi immédiatement le point de vue du personnage.

 

Par ailleurs, il évoque la vie en Israël, des quartiers précis, un mode de vie à l’israëlienne. La précision des lieux, des endroits nous procurent des images mentales d’autant plus forte lorsqu’on connaît Israël.

 

Dans ce dernier roman, on pourrait presque se demander s’il s’agit d’un roman policier, car l’intrigue purement policière arrive assez tard dans le livre, mais je ne trouve pas cela gênant. Au contraire, il suit son histoire, ne s’impose pas un formatage que pourrait être le thriller ou le roman policier.

 

Extraits :

 

« (…) Après avoir réparti les participants en quatre équipes, l’animateur avait demandé à chacune de construire puis de décorer un cerf-volant à partir des pièces détachées qu’il avait préparées à l’avance. Cette activité manuelle se termina vers six heures moins le quart mais comme il n’y avait pas assez de vent, ils passèrent à la partie buffet, gâteaux et bougies à souffler. Elle découvrit qu’elle avait eu beau faire des listes, elle avait oublié d’apporter une chaise sur laquelle on pourrait soulever dix fois (neuf pour les neuf ans, plus une pour l’année à venir) le roi de la fête, mais un des pères proposa d’utiliser un pouf et ce fut même mieux : Erann s’allongea dessus, tête renversée et regards vers le ciel pendant qu’on le lançait dans l’air. Quand le soleil commença à baisser, le vent se renforça, les cerfs-volants purent enfin décoller et ils montèrent très haut, tels d’immenses papillons. L’effet fut tel qu’il attira de nombreux curieux, et enfants comme adultes se rassemblèrent autour d’eux sur la plage (…) »

 

 

« (…) En fin de journée, elle décida de l’emmener à la plage, ce qu’elle estima ne pas avoir suffisamment fait pendant l'été. Elle ressortit le maillot de bain de la valise, ils roulèrent jusqu’à la plage de Tel-Baroukh, au nord de Tel Aviv, marchèrent sur les rochers, s’arrêtèrent à un endroit interdit à la baignade, ramassèrent des coquillages, des galets aux formes originales et des mollusques qu’ils placèrent dans un seau bleu tapissé de sable et recouvrirent d’eau. Ils posèrent deux pots en verre sous les pierres avec un peu de farine à l’intérieur pour piéger les petits poissons et, lorsque le soleil commença à se baisser et la plage à se vider, ils sortirent une grande serviette et allèrent se baigner. La mer, tiède et sombre, scintillait. L’horizon passa de l’orangé au rouge sang, les violents courants les entraînaient vers la digue, ils s’accrochaient l’un à l’autre, s’écartaient puis se rapprochaient à nouveau au gré du ressac, elle plongea à plusieurs reprises et lui attrapa les jambes sous l’eau. Lorsqu’ils ressortirent, ils se mirent tous les deux à frissonner tant le vent était froid. « Tu vois, si on sait s’y prendre, il peut faire frais dans ce pays, même en pleine canicule », lui dit-elle en l’enveloppant dans la grande serviette de plage(…) »

 

« (…) Au début, elle était persuadée que cette langue prendrait racine en elle et se développerait facilement, deviendrait un arbre qui étendrait ses branchages de lettres d’où, tels des feuilles et des fruits, écloraient les mots, mais cet espoir s’était amenuisé au rythme du déclin de Nahum, un espoir qu’elle devra sans doute abandonner là, en quittant sa petite chambre(…) »

 

Dror Mishani

 

UNE DEUX TROIS

 

Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz

 

Série noire

GALLIMARD

 

 

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