André CHAUMEAU par Tatiana GOUSSEFF

Publié le par Brigitte Sabban-Weyers

Il y a quelques années, lors de la première saison de Doc Martin, on nous présenta l’acteur qui se joindrait à nous pour jouer le maire de Port-Garrec. Un petit monsieur très âgé, discret, le regard très vif, mais le corps plus très vaillant, avec la mise un peu négligée qu’ont ces personnes qui vivent en solitaire et dont les sens ont été émoussés par l’âge. Toujours en costume, certes, mais plus très net, plus très neuf.
Je ne me souvenais pas de l’avoir déjà vu quelque part.
Je ne sais pas si la production avait prévu que ce personnage soit en fauteuil roulant pour les bienfaits de l’histoire ou pour ménager cet acteur, qui, régulièrement, fit donc des allers-retours pour la Bretagne à presque cinq cent kilomètres de chez lui. Un vieil acteur de quatre-vingts sept ans, dont on ignorait s’il travaillait toujours par passion ou par nécessité.
Un jour, nous fûmes donc tous réunis pour une séquence d’intérieur dans la mairie de Pont-Aven. Lui en bout de table dans son fauteuil roulant, moi derrière lui, hypocrite Madame Perez, chignonnée jusqu’à l’os pour caresser Monsieur le Maire dans le sens du poil. Et je me souviens encore aujourd’hui du sentiment que j’éprouvai lorsque, le moteur lancé, cet acteur se mit à jouer, immédiatement dans la situation, le texte su au rasoir, plaçant les répliques dans un rythme précis, d’une voix parfaitement placée, avec ce grain très particulier que possèdent les comédiens ayant usé les planches durant de longues années. Celui-ci, manifestement, n’était pas n’importe qui, et c’était pour moi un plaisir fou, à chaque prise, que de l’écouter investir chaque phrase avec énergie et d’entendre sa voix incroyable.
Le soir-même sur Wikipédia, je découvris sa carrière, commencée en 1956 : télévision, cinéma, et les scènes qu’il avait foulées : TNP d’Avignon, comédie de Saint-Étienne, la Commune, le Rond-Point, Marigny…
Cet acteur s’appelait André Chaumeau.


Il ne fit qu’une saison de Doc Martin et un jour, la production nous apprit la nouvelle de sa mort, que je reçus avec une grande tristesse, me demandant si la mort l’avait surpris seul dans son appartement, ou s’il était entouré, je savais qu’il n’avait ni épouse ni enfants. La presse n’en parla pas. Il était oublié avant même d’avoir disparu pour de vrai.
Ce soir à la SACD, lors des Mots d’Auteurs, le délicieux , drôle et sensible François Morel, lut, entre autres textes savoureux, certaines de ses chroniques de France Inter. Et soudain, celle-ci : « Il s’appelait André Chaumeau ». Une chronique poignante sur les acteurs sans grades. Dans cette chronique, qui me brisa le cœur, j’appris qu’André Chaumeau, clin d’œil visionnaire à sa fin de carrière, était apparu dans… les Galettes de Pont-Aven.
Ce soir, je suis retournée sur la toile et j’ai cliqué André Chaumeau/ Images. Et allez savoir pourquoi, au bout de la septième ligne, mon visage en noir et blanc de jeune actrice apparaît contre celui d’André.


Écoutez cette chronique, elle est superbe.

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Publié dans FRAGMENTS, TRANSMISSIONS, RECITS

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