Quelques images et textes de Pierre LANE...

Publié le par Brigitte Sabban-Weyers

Pierre LANE est un ami documentariste. Il travaille énormément ses sujets, cherche toujours à nous montrer des histoires particulières, dans des cadres souvent dépaysants. Je n'ai pas regardé tous les documentaires de Pierre, mais je dois dire qu'à chaque fois, je suis touchée et émue. Peut-être parce qu'il arrive toujours à nous montrer sans avoir à nous raconter, à nous donner à voir, sans avoir à nous expliquer... Il a décidé récemment de raconter par des textes et des photos quelques moments de son dernier tournage à l'île de La Réunion. Il m'a autorisé à les publier, et donc à les partager.

Voici quelques jours de tournages du prochain documentaire de Pierre LANE

(les textes et les photos appartiennent à Pierre LANE,merci de ne pas les utiliser sans autorisation)

 

décembre 2017:

Depuis une semaine, j’ai entamé le tournage d’un nouveau documentaire. Il raconte l’histoire d’une famille qui voue son existence au cirque. Jean-Thierry, le créateur du 4* cirque, est parti à 17 ans de sa Réunion natale, pour la prestigieuse école Nationale des Arts du Cirque de Châlons en Champagne. 25 ans après , il est revenu dans son île natale, pour y créer un cirque créole. Cela veut d’abord dire un cirque qui s’exprime en créole; un clown qui fait des farces en interpellent l’esprit créole, et surtout un cirque qui travaille l’imaginaire de cette île surprenante. Toute la famille participe au spectacle, en compagnie d’autres artistes de l’île et d’autres venus de métropole. Ce matin, le container dans lequel se trouve un chapiteau de 500 places, a fait la route vers les hauts de l’île, jusqu’à un petit petit bourg qui s’appelle la Plaine des Cafres. Il se trouve juste en dessous du volcan. Là haut, peu de personnes ont l’habitude d’aller au cirque, alors il vient à elles. Le lendemain des représentations, les artistes animeront des ateliers d’initiation aux arts du cirque pour les enfants des environs. En préparant ce documentaire , j’ai vu les films de Pierre Etaix , des films d’Hollywood aussi, lu « Il faut appeler un clown, un clown » de Pierre Etaix , et regretté que les « entrées de clown » d’Hélène Parmelin que j’avais lues quand j’étais adolescent, soient introuvables.

Quelques images et textes de Pierre LANE...

Janvier 2018:

C’est l’accalmie, fini le vent et la pluie; l’été est de retour. La Tour des Roches fait le plein. C’est un ancien moulin qui produisit de la farine de manioc jusqu’en 1829. Depuis, il est devenu un lieu propice à la baignade. Les enfants nagent à même la route, traversée par un vigoureux filet d’eau. Le manioc est venu d’Afrique, comme les esclaves au 18* siècle. Aujourd’hui encore, beaucoup de familles réunionnaises cultivent ce féculent riche en glucides, très nourrissant et surtout ... sans gluten. 
La Tour des Roches est une véritable corne d’abondance: bambous, cocotiers, papyrus, palmiers composent un idyllique écrin de verdure tropicale. On peut s’arrêter, s’allonger et rêver ( rester ici éternellement). Le soleil entame sa descente vers la mer. Le long du petit canal qui longe la route, des femmes récoltent des songes pour le repas du soir...

Quelques images et textes de Pierre LANE...Quelques images et textes de Pierre LANE...

Il y a quelques jours sur la route qui monte vers les hauts de l’île en direction du volcan, l’averse était tellement puissante qu’il était impossible de voir au delà du pare-brise. L’eau ruisselait de partout et la voiture semblait flotter sur la route, devenue le temps de l’orage, une rivière par laquelle l’eau s’engouffrait furieusement pour achever sa course dans la mer quelques kilomètres plus bas. L’eau fait partie du paysage de la Réunion qui détient les records mondiaux de pluviométrie. Depuis toujours on a cherché à la canaliser. Au 19 * siècle, furent construit des canaux qui descendaient de la montagne pour irriguer les champs de canne à sucre de l’ouest. Le plus connu d’entre eux s’appelle le canal Lemarchand. Il y a aussi les bassins de la ravine St Gilles. L’accès en est interdit depuis longtemps mais cela n’empêche pas des centaines de personnes de s’y rendre pour aller chercher un peu de fraîcheur, les jours de grande chaleur. On marche le long de canaux d’irrigation serpentant le long de la montagne et qui la traversent quelquefois par des passages souterrains. Au bout du chemin on découvre un immense bassin, alimenté par des chutes d’eau surgies de la roche. C’est une belle piscine naturelle, à l’eau aussi pure et cristalline que la voix de Kate Bush. On entre doucement mais le froid saisit quand même lorsqu’on y plonge tout le corps longtemps...En sortant, on a l’impression d’être transformé. Bientôt une nouvelle expérience saisissante à vivre : celle du cyclone qui s’apprête à frapper l’île dans les prochaines heures...Déjà le vent souffle et la pluie fait des claquettes.

Quelques images et textes de Pierre LANE...

De cyclone intense, Berguitta s’est transformé en tempête tropicale. Toute la journée d’hier, le vent et la pluie ont fait des dégâts dans l’île et presque exclusivement dans le sud: inondations, glissements de terrain, radiers et ravines submergés, torrents de boues à chaque coin de rue. À l’antenne de Radio Freedom, des centaines de personnes ont appelé pour raconter ce qui leur arrivait, ce qu’elles voyaient, ce qu’elles ressentaient : de la peur, de l’impuissance, de la colère aussi. C’était une puissante catharsis, une libération nécessaire pour affronter l’inconnu et l’inévitable. J’ai été frappé par le témoignage d’un homme qui voyait de sa fenêtre des enfants faire la planche dans le torrent d’eau et de boue qui avait remplacé la chaussée. De ma fenêtre, la mer ressemblait au loin à une immense plaque métallique ondulant et dansant mollement. Elle paraissait calme, sans vagues, mais j’avais l’impression qu’elle pouvait se soulever d’un coup, escalader les collines pour redescendre et tout submerger. Hypnose et catharsis, maîtres mots de cette journée.

Quelques images et textes de Pierre LANE...
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article